Ces temps nouveaux et difficiles qu’ils affrontent

Les dirigeants européens concentrent leurs réflexions sur l’adoption de compromis en raison de leurs divisions. Quitte à repousser à plus tard le plus important d’entre eux, celui qui ouvrira la voie à la ratification du plan de relance communautaire. Lors de leur sommet d’aujourd’hui et de demain, ils vont tenter d’avancer prioritairement sur deux dossiers : les sanctions à propos de la Biélorussie et les négociations avec le gouvernement  turc, ce dernier sujet inquiétant les chypriotes qui craignent un accord contraire à leurs intérêts.

La délicate question des mesures qui pourraient être prises dans le cadre du plan de relance communautaire à l’encontre des pays européen qui ne respecteraient pas l’État de droit va hanter le sommet, bien que n’étant pas à son ordre du jour, car l’adoption du compromis annoncé a suscité des fortes réactions en sens opposés. Sur les 27 pays, 9 ne l’ont pas voté, soit un tiers des votants. La Hongrie et la Pologne, dont les gouvernements sont visés, ainsi que pour des raisons contraires 7 pays (*) qui se sont dénommés « Les amis de l’État de droit », en tête desquels figure la Hollande, tous favorables à l’adoption de mesures claires de rétorsion.

Le compromis présenté par le gouvernement allemand laisse en effet toute latitude pour rester les bras croisés, la priorité absolue étant donnée à la ratification du plan de relance communautaire. Il prévoit de réduire ou de suspendre les versements de fonds dans les cas où les violations par un État membre des principes de l’État de droit « affectent d’une façon suffisamment directe la bonne gestion financière du budget de l’Union européenne ou la protection de ses intérêts financiers ». ce qui laisse une large marge d’appréciation au Conseil européen chargé de décider.

De manière plus feutrée, la revue stratégique de la BCE avance après avoir vu son calendrier rallongé. Christine Lagarde est intervenue en ouvrant publiquement le débat à propos d’une modification de la cible d’inflation de la banque centrale, sur le modèle de la Fed américaine. À mots couverts, elle prétend favoriser la hausse de l’inflation en jouant sur des attentes plus élevées, comme par magie, n’ayant pas l’intention de sortir du strict cadre monétariste. Tout en envisageant de donner un petit coup de pouce à l’inflation en augmentant le poids du coût du logement dans son calcul, cela ne mange pas de pain !

Dans cette perspective, elle considère pérennes les mesures non conventionnelles de la banque centrale, comme les taux négatifs ou les achats obligataires, qui sont appelés à devenir des standards de son intervention. Ce qui n’a pas manqué de susciter une réaction de Jens Weidmann, président de la Bundesbank : « plus nous interprétons notre mandat largement, plus grand est le risque que nous nous mêlions de politique et nous nous surchargions de trop de tâches. » Le décor n’a pas changé.

Car c’est bien de cela qu’il est question sans le dire et qui est largement entamé. La BCE modifie un mandat de lutte contre l’inflation qui n’est plus d’époque. Dans le cadre de la nouvelle donne marquée par une faible inflation, une pauvre croissance et un endettement favorisé après avoir été démonisé, comment l’éviter ?

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(*) dont la Finlande, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique qui se sont également opposés à la proposition allemande, rejetant un mécanisme de sanctions « édulcorés ».

2 réponses sur “Ces temps nouveaux et difficiles qu’ils affrontent”

  1. « La délicate question des mesures qui pourraient être prises dans le cadre du plan de relance communautaire à l’encontre des pays européen qui ne respecteraient pas l’État de droit ».
    Quelle est la définition de cet « Etat de droit », sinon ce refus par l’UE de voir des pays penser et vivre différemment de la Doxa qui, devant le refus par la Pologne et la Hongrie d’accepter sans barguigner les termes d’une ligne politique, économique et sociale unique, n’hésite pas à les qualifier (!) de « démocraties illibérales »?La question de la crise de l’Etat de droit en Europe dépasse la seule question des politiques dites « illibérales » de la Pologne ou de la Hongrie. Mais celles-ci en sont le symbole en ce qu’elles défient directement les « valeurs » de l’Union et de son « identité », ce qui lui est insupportable car elle ne supporte pas l’idée-même que Pologne, Hongrie, mais aussi d’autres pays, puissent manifester d’autres conceptions, d’autres valeurs, d’autres manifestations d’identité en refusant notamment, par exemple, de se voir imposer -principalement un mode d’administration de la politique migratoire ainsi qu’une norme de gestion des flux migratoires.
    cf. une étude très intéressante: http://www.revuedlf.com/droit-ue/la-crise-de-letat-de-droit-en-europe-de-quoi-parle-t-on/

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